Chères amies, chers amis de Mars et environs,
J’ai perdu une balle de golf le printemps dernier et serais très heureux si vous acceptiez de m’aider à la retrouver. Elle a disparu à proximité des collines de Fra Mauro où nous avions aluni en février dernier. Mon ami Edgar D. Mitchell qui faisait quelques pas en ma compagnie ne m’a pas été d’un grand secours et c’est pourquoi je me tourne aujourd’hui vers vous. Ce n’est pas simplement une question sentimentale. Certes, j’avais promis à mon père de faire un petit geste pour lui, grand pour l’histoire de notre noble sport. Mais l’administration de la NASA me réclame cette balle – à tort puisque je l’ai achetée moi-même chez Britroy, un commerce fort avenant situé sur Lexington Avenue. Vous connaissez l’esprit étriqué de nos fonctionnaires, impossible de les raisonner, d’autant plus que la presse s’acharne sur le coût de notre mission. La Nation devrait être heureuse que nous soyons revenus sains et saufs malgré les nombreuses pannes auxquelles, comme nos prédécesseurs, nous avons dû faire face. On m’a déjà demandé le club bricolé pour l’occasion, mais j’ai souhaité faire don de mon fer 6 à des amis véritablement connaisseurs (rassurez-vous, pas à ces Ecossais de la Royal & Ancient Golf Club de Saint Andrews qui soutiennent que j’ai fauté en négligeant de ratisser le sol lunaire après mon coup).
Récupérer cette balle me ravirait et me consolerait des railleries dont je fais l’objet depuis mon retour. Il est vrai que mon premier tir n’est pas parti à des miles et des miles. Mais avez-vous déjà essayé de slicer hors de l’atmosphère? Même que, empêtré dans ma combinaison, j’ai failli m’étaler dans le sable. Ai-je mérité pour autant d’être traité de Bibendum jouant au croquet? Que les hommes sont injustes…
Merci par avance pour votre précieux soutien.
Sincèrement,
Votre dévoué Alan B. Shepard
Chef du Bureau des astronautes
23 décembre 1971
ps : J’offre une bonne récompense.
TS, 2007, rév. 2020
Thomas Sandoz lebt im Kanton Neuenburg und hat Prosa, Essays und Monographien veröffentlicht und dafür diverse Auszeichnungen erhalten. Insbesondere 2011 den Preis der Schweizerischen Schillerstiftung für «Même en terre» (Grasset). Die zuletzt erschienenen Titel sind «Les temps ébréchés» (Grasset, 2013), «Malenfance« (Grasset, 2014), «Croix de bois, croix de fer» (Grasset, 2016), «La balade des perdus» (Grasset, 2018).
Die Übersetzung von »Même en terre« ist unter dem Titel «Ruhe sanft» im verlag die brotsuppe erschienen. Übersetzt hat Yves Raeber.
Rezension von «Ruhe sanft» auf literaturblatt.ch
Beitragsbild © Pablo Fernandez